The children of Japan

 

In my last letter¹ I spoke of the sense of duty which gave to the Japanese people a great self-constraint, but no joyful and free expansion. I must make an exception to this rule and this exception is in favour of the children.

We could quite well call Japan the paradise of children  —  in no other country I have seen them so free and so happy. After months of residence in Japan I have yet never seen a child beaten by a grown-up person. They are treated as if all the parents were conscious that the children are the promise and the glory of the future. And a wonderful thing is that, environed by so much attention, so much care, indeed, such a devotion, they are the most reasonable, good and serious children I have ever met. When they are babies, tied up in an amusing fashion on their mothers' backs, with their wide open black eyes they seem to consider life with gravity and to have already opinions on the things they look at. You scarcely hear a child cry. When, for instance, he has hurt himself and the tears burst out of his eyes, the mother or the father has but to say a few words in a low voice, and the sorrow seems to be swept away. What are those magic words which enable children to be so reasonable? Very simple indeed : "Are you not a Samurai?" And this question is sufficient for the child to call to him all his energy and to overcome his weakness.

In the streets you see hundreds of children, in their charming bright "kimono'' playing freely, in spite of the "kuruma"² and the bicycles, at the most inventive and picturesque games, pleased with little, singing and laughing.

When older, but still very young, you may see them in

 

¹I.e., "Impressions of Japan".

²A word applied to many vehicles, here probably a carriage or a rickshaw.

 

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the tram cars, dressed with foreign clothes, the student cap on the head, the knapsack on the back, proud of their importance, still prouder at the idea of all they are learning and will learn. For they love their studies and are the most earnest students. They never miss an opportunity of ad- ding something to their growing knowledge; and when the work for the school leaves them some liberty they occupy it in reading books. The young Japanese seem to have a real passion for books. In Tokyo one of the main streets is nearly entirely occupied by secondhand book-sellers. From the beginning to the end of the year these shops are full of students, and it is not often novels they are seeking for!

They are, as a rule, very anxious to learn foreign languages and when they come to meet foreigners, though they are in general very timid, they make use of that acquaintance as much as they can to...¹

A country where such are the children and so they are treated is a country still ascending the steps of progress and of mastery.

 

¹This sentence was left incomplete.

 

 

 

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Les enfants du Japon

 

Dans ma dernière lettre¹, j'ai parlé du sens du devoir qui donne aux Japonais une grande retenue, mais pas d'expansion joyeuse et libre. Je dois faire une exception à cette règle, et cette exception est en faveur des enfants.

Nous pourrions bien qualifier le Japon de paradis des enfants — en nul autre pays je ne les ai vus si libres et si heureux. Après des mois de résidence au Japon, je n'ai encore jamais vu un enfant battu par un adulte. Les parents les traitent comme s'ils étaient conscients que les enfants sont la promesse et la gloire de l'avenir. Et ce qui est merveilleux, c'est que, entourés de tant d'attentions, de tant de soins  —  disons-le, de tant de dévotion  — , ces enfants sont les plus raisonnables, les plus sages et les plus sérieux que j'aie jamais rencontrés. Quand ils sont tout petits, attachés de façon si amusante sur le dos de leur mère, leurs yeux noirs grands ouverts, ils semblent contempler la vie avec gravité et se former déjà des opinions sur ce qu'ils regardent. Ici vous entendez rarement un enfant pleurer. Quand, par exemple, il s'est fait mal et que les larmes jaillissent de ses yeux, la mère ou le père n'a qu'à dire quelques mots à voix basse, et le chagrin semble . être balayé. Quels sont ces mots magiques par lesquels les enfants deviennent si raisonnables? Ils sont en vérité très simples: "N'es-tu pas un samouraï?" Et cette question suffit pour que l'enfant rassemble toute son énergie et sur- monte sa faiblesse.

Dans les rues, vous voyez des centaines d'enfants, dans leurs kimonos charmants et multicolores, jouant librement, malgré les kuruma² et les bicyclettes, aux jeux les plus inventifs et les plus pittoresques,

 

¹Cf. Impressions du Japon.

²Ce mot désigne plusieurs types de véhicules; ici, probablement, voiture à cheval ou rickshaw.

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s'amusant de peu, chantant et riant.

Quand ils sont plus âgés, mais encore très jeunes, vous pouvez les voir dans les tramways, vêtus à l'occidentale, casquette d'étudiant sur la tête, sac au dos, fiers de leur importance, plus fiers encore à l'idée de tout ce qu'ils apprennent et apprendront encore. Car ils aiment les études et sont les étudiants les plus sérieux. Ils saisissent toutes les occasions d'ajouter quelque chose à leurs connaissances grandissantes; et quand le travail de l'école leur laisse un peu de temps libre, ils l'occupent en lisant des livres. Le jeune Japonais semble avoir une passion réelle pour les livres. À Tokyo, l'une des rues principales est entièrement occupée par des marchands de livres d'occasion. D'un bout de l'année à l'autre, ces boutiques sont pleines d'étudiants, et ce ne sont pas souvent des romans qu'ils cherchent! Ils sont, en règle générale, très soucieux d'apprendre les langues étrangères, et quand il leur arrive de rencontrer des étrangers, bien qu'ils soient en général très timides, ils en profitent autant que possible pour...¹

Un pays où les enfants sont ainsi et où ils sont traités ainsi est un pays qui poursuit son ascension vers le progrès et la maîtrise.

 

¹La phrase s'interrompt ici.

 

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